La posture est impeccable, presque hautaine, voire inhumaine. Le chignon est stricte, la tenue noire. Agnieszka a peur de sa professeure de danse, de ce qu'elle dégage, de la froideur dont elle fait preuve. Et puis, son acharnement sur elle, ne l'aide sûrement pas non plus. « Agnieszka concentres-toi un peu ! Tu manques de rigueur, tu t'éparpilles ! Si tu arrêtais de perdre ton temps à apprendre à chanter, peut être que tu seras capable de terminer tes pas correctement ! » La sévérité s'écrase sur le frêle corps de l'adolescente. Elle sent ses épaules vaciller, se mord la lèvre pour ne pas craquer. Surtout ne pas craquer, ne pas montrer ses faiblesses. Alors elle se redresse, se hisse sur ses pointes et recommence les mêmes enchaînements inlassablement. Ses pieds la font souffrir, atrocement, mais elle n'en montre rien.
Enfin la fin de la journée, le moment de retirer ses chaussons est arrivé. Elle grimace en observant l'état de ses pieds. On l'avait prévenue, lui avait dit les sacrifices que ça demanderaient et Agnieszka les avait acceptés. Elle ne se doutait pourtant pas que ce serait si dur. Les ballets russes sont réputés et la blonde comprend pourquoi... elle devrait se reposer, pour être apte à recommencer demain, pourtant, elle file sous la douche et ressort presque aussitôt. Son professeure n'approuve pas, ses parents pas plus... mais Agnieszka n'en a que faire. Tombée amoureuse des comédies musicales de Broadway, elles sont son nouveau rêve. Être le Cygne Blanc du Bolchoï, lui semble être bien fade à présent... Alors elle prend des cours de chant sur son temps libre, apprend la comédie. Elle sait qu'un jour, New York sera à elle !


Elle a cette impression d'être minuscule. Une fourmis perdue au milieu des buildings. Pourtant, cette sensation lui est tellement agréable, enivrante presque. Avec son pauvre petit morceau de papier dans la main, une adresse griffonnée à l'encre noire dessus, Anya tente de s'y retrouver. Ça lui demandera près de deux heures pour y arriver. Mais seule, elle arrive enfin à destination. Elle frappe à peine et entre dans l'appartement à la porte écaillée. « Hello ? Quelqu'un est là ? L'anglais est approximatif, l'accent très prononcé. Je être Agnieszka, nouveau colocataire. » Elle laisse tomber son sac, presque aussi gros qu'elle, au sol, dans un bruit sourd, jetant des regards peu assurés à droite et à gauche, dans l'espoir de voir quelqu'un. Et enfin une silhouette apparaît au bout du couloir. Grand brun à la stature impressionnante, il a cet immense sourire chaleureux, qu'Aga ne pensait jamais rencontrer chez un newyorkais. Une histoire de cliché... Pourtant le gaillard la prend dans ses bras, la soulève presque du sol, tant elle doit être légère pour ce géant. « Bienvenue Agieka ! La petite blonde est surprise, figée dans cette étreinte inattendue. Mais elle se détend aussitôt qu'elle retrouve sa liberté. Je suis Connor, content de te rencontrer... enfin ! Tu verras New York va te plaire ! » C'est donc lui, le jeune homme avec qui Agnieska a correspondu afin d'obtenir une place dans son appartement. Tout excitée par cette nouvelle vie qui s'offre à elle, Aga ne remarque même pas à quel point cet appartement ne ressemble à rien. Une vieille bicoque, qui tombe doucement en ruine... « Au faite, tu peux appeler Aga ou Anya. Plus facile. » Et elle agrémente le tout d'un petit clin d'œil, alors qu'elle reprend son sac afin de découvrir sa chambre que Connor va lui montrer.


L'accent est désormais plus compréhensible, l'anglais mieux maîtrisé. Agnieska est là depuis trois ans, trois années à galérer, il faut l'avouer... Mais peu importe, la belle ne désespère pas.