Je suis d'une imbécillité accablante. La personne la plus horrible que cette terre a porté. Un immondice. Une horreur. Une... une... Je ne trouve pas même les mots. Je suis une empotée chronique. Un désastre sur deux jambes. Si si. Je me le répète en boucle depuis une bonne dizaine de minutes en fixant le morceau de tissu entre mes doigts. Pas n'importe quel morceau de tissu. Pas un vulgaire morceau de tissu. LE morceau de tissu. Cette magnifique jupe que je dois enfiler ce soir sur scène et que j'ai complètement bousillé parce que forcément la chose devait arriver. Pourtant la journée avait bien débuté. J'étais, comme à mon habitude, portée par une joie de vivre sans doute démesurée en ce jour pluvieux où j'ai presque refait la scène de 'Dancing in the Rain' même si on me fixait comme si j'étais une cinglée. Je m'en moque. Si je me préoccupais de l'opinion des autres avec le style de vie pour lequel j'ai opté je serais bien malheureuse dans ma vie. J'étais donc joyeuse sous le bruit apaisant des gouttes de pluie avec mon imperméable jaune canard et mon parapluie rose bonbon, histoire de bien tuer les yeux se posant sur moi avec mes couleurs trop éclatantes pour le maussade de la journée. Je voulais simplement passer une bonne journée. Je voulais jouer à fond la répétition et jouer à fond la pièce ce soir, mais j'étais peut-être un peu trop à fond dans la chose. Juste un peu.

Juste assez pour ne pas avoir remarqué lorsque j'ai pris ma jupe qu'elle s'était coincé dans quelque chose. Je parlais avec quelqu'un. Je voulais simplement la prendre pour pouvoir aller l'enfiler et c'est là que le drame est arrivé. Le bruit d'outre-tombe. Le bruit du tissu qui se déchire sur une distance démesurée. Le bruit de la jupe qui fait un joli doigt d'honneur à la gueule de mon bonheur alors que j'écarquille les yeux sous le choc. Non. Pas ça. Pitié pas ça. Pas aujourd'hui. Pas jamais. Je fais attention à mes choses. Oui je sais que c'est difficile d'y croire quand on voit la quantité d'air que je déplace dans mon sillage en ouvrant simplement la bouche, mais la petite boule d'énergie que je suis fait tout de même attention à ses choses et aux choses des autres. Je le sais que je suis maladroite alors ce n'est qu'une raison de plus pour essayer de faire le nécessaire pour préserver la sécurité de toute chose pouvant se trouver sur mon chemin ou entre mes mains. Aujourd'hui l'univers en a décidé autrement. Aujourd'hui l'univers m'en veut pour une raison obscure que je ne connaîtrai sans doute jamais. Aujourd'hui l'univers ricane en me voyant marcher sur la ligne verte en direction de cette grognonne, mais néanmoins agréable créatrice de costume qui fait un travaille monstre... et dont je bousille le travaille comme une imbécile!

Dix minutes à me demander ce que j'allais faire n'était assurément pas suffisant pour me permettre de trouver les mots juste. Hello, j'ai détruit ma jupe. Ah pardon, j'ai pas fait exprès, mais faudra la recoudre dans ce minuscule délai parce que tu vois j'ai fait une bêtise de façon totalement involontaire. Pitié ne me tue pas je jure que je vais faire don de chaque centime de culpabilité que je possède pour exploser la tronche de ma journée trop bien commencée. Vous voyez bien que je n'ai pas la moindre once d'inspiration. Je suis d'une nullité pour faire des excuses, ça en est presque ridicule. Je suis nulle au point où la dernière bêtise que j'ai fait m'a fait perdre un ami. Il faut dire que c'était une grosse bêtise. Une énorme bêtise pour tout avouer que de simples excuses ne pouvaient pas régler. Ça se réglait plutôt à coups de billets et de coups de poings. Enfin bref. Je ne suis pas douée pour m'excuser point. C'est sans doute la raison pour laquelle lorsque j'ai finalement été suffisamment près de Kennedy pour qu'elle puisse m'entendre mes mots sont sorti sans doute trop rapidement de ma bouche qui avait du mal à suivre le rythme.

« Je suis tellement désolée. Vraiment. J'ai pas fait exprès. Je suis troooooop désolée. Je jure que je ne voulais pas que ça arrive. Juste un accident. J'aurais dû faire plus attention. Pitié pardonne-moiiiiiii. Je promets que ça n'arrivera plus jamais. La prochaine je vais la chouchouter et l'enfermer dans un coffre-fort pour ne pas qu'elle se fasse abimer. Pardonnnnnnn. »

PA-THÉ-TIQUE. Pas autant que mes petites mains lui tendant le fruit de mon méfait, tendant la jupe déchirée, alors que j'essaie de reprendre mon souffle après ma tirade sans respirée.

« Ça se répare ou je dois lui creuser une tombe digne de ce nom? »